mercredi 25 novembre 2009

En proie

La fatigue.

Il me semble que la fatigue m'a guetté toute la journée.
En fait, dès le levé du corps, j'ai cru l'apercevoir au pied du lit, indolente et pourtant insatiable. Ses yeux posés sur moi ont soudainement alourdi le poids de ma chair qui de sa nudité se mouvait sans complaisance aucune.

Le fracas de l'eau en chute sur ma peau m'a donné l'impression de l'avoir écartée et d'en être pour de bon libéré. Mais petit à petit, épiant chacun de mes gestes, le moindre de mes déplacements, elle s'est abreuvée au sillon de mes pas et s'est voracement incrustée dans la traînée de mes va-et-vient de plus en plus hésitants.

L'ouverture de la porte m'a fait miroiter l'espoir de la semer une fois pour toute lorsqu'une brise, assez froide pour me ragaillardir le temps d'une expiration, s'est entremêlée à mes cheveux pour en recouvrir mon visage. Elle ne pourra plus me reconnaître, me suis-je dit. Mais, je ne sais que trop que si le chien du voisin s'est mis à aboyer bien après mon passage, c'est qu'il l'a vue déambulant à ma suite comme un cortège si lent et silencieux.

Debout, immobile, dans l'attente comme à chaque matin que le transport se fasse commun, j'ai décidé de l'ignorer comme un apprenti amoureux qui détourne le regard à chaque fois qu'il croise celle qui lui fait souhaiter qu'elle n'ait de yeux que pour lui. Mais puisque c'est en essayant d'oublier qu'on se souvient, mon subterfuge a été en vain.

Et les heures ont passé, et bien que j'essayais d'avoir la tête ailleurs, elle se faisait un devoir de me rappeler que le reste de mon corps était toujours en dessous. Elle était toujours là. Au bout du couloir, dans la cage d'escaliers, dans l'embrasure d'une porte, derrière l'attroupement d'étudiantes qui me font à chaque fois regretter mes jeunes années. Partout où j'allais, elle semblait deviner mon parcours. Partout où je voulais aller, elle semblait savoir comment m'en dissuader.

La journée n'était pas encore terminée que j'abdiquais. Je lui remettais les armes et la laissais prendre possession de mon corps en entier et d'une partie de mon esprit. Je dis bien une partie, car l'autre me permet de vous écrire, avec maladresse et insignifiance soit, mais de vous écrire quand même. Les yeux brulants devant l'écran qui ne renvoie aucun reflet, je n'ai comme seule certitude que tout à l'heure, j'irai dormir, car la fatigue s'est éprise de moi et ne me laissera pas tomber de si tôt, ou plutôt elle me laissera tomber d'elle-même lorsqu'il sera trop tard.

1 commentaire:

  1. Tout comme l'araignée dont le fil emprisonne, la fatigue t'a prise...

    Superbe plume.

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