mercredi 13 janvier 2010

Spasme

Les mots sont-ils vraiment de circonstance? À quoi bon écrire ce soir de l'autre côté du monde? Vos yeux ont-ils au moins la patience de lire? Se sont-ils fermés depuis que la nuit a passé?
Rien ne sert de se taire. Rien ne sert de retenir son souffle puisque la vie malgré tout continuera. Malgré nous. Envers et contre tous. Et ce soir, dans la pénombre qui n'en est pas vraiment une, les mots ne seront ni en vers ni contre tous.
Les secousses se sont rendues jusqu'ici. Jusque sous la peau. Des frémissements au revers de la chair. Comme si mon corps involontairement faisait écho à la tragédie du monde. L'esprit s'embrouille dans le fracas des pensées qui fomentent la colère dans une incompréhension soumise à la fatalité des choses et surtout des hommes.
Chaque membre se meut dans une inutilité sans borne, mais le mouvement même silencieux se rend à l'évidence et n'en revient jamais.
L'impuissance paralyse, mais je resterai vivant. De tous ceux qui sont morts, j'en resterai vivant.
Comment pourrais-je avoir la prétention de vous parler de moi lorsque je ne suis plus tout à fait blanc depuis la nuit dernière? Depuis cette dernière nuit. Pour certains. Mais pourtant, il le faut. Il nous faut nous parler de nous. Il nous faut perpétuer cette vie qui reste, celle qui continue et qui se relaiera s'il le faut pour rester elle-même.
Je vous parlerai donc. Je vous parlerai de moi. Je vous parlerai. Avec des mots, soit, mais je vous parlerai quand même. La parole la plus douce n'a pas besoin de voix pour se faire comprendre.
Et comme à chaque fois, la musique supporte la trame des jours, même les plus noirs. Surtout les plus noirs. Celle que l’on m’offre comme celle qui s’offre à moi sans que je n’aie besoin de la séduire au préalable. La musique est la meilleure des maîtresses, même si les couvertures restent froides à son passage. Si la musique n’existait pas, je voudrais ne pas exister avec elle.
Les jours ont passé. À ce qu’il paraît. Mais je suis resté. Ici. Quelque part. Ailleurs. Je suis resté fidèle. À moi-même. Puisqu’il me semble que plus personne ne mérite ma confiance. Il n’y a que la vieille dame et son vieil homme à qui ma confiance est aveuglément offerte. Mais je ne sais que trop qu’ils me quittent à vue d’œil et que tôt ou tard, un frisson doucement passera sous ma peau. Pour de bon. Je crains ce moment depuis des lunes, depuis que je sais qu’ils ne m’ont pas mis au monde. Je serai alors seul comme je l’ai probablement toujours été, mais je serai seul sans eux. Je serre donc les poings et passe chaque moment, chaque instant avec eux comme s’ils étaient les derniers. Mais je sais très bien que tous ces deuils que je vis à chaque fois que je referme la porte derrière moi ne pourront jamais se comparer à ce qui m’attend. Je sais aussi que l’on n’est jamais prêt. Mais, j’attends.
Il a fait froid aujourd’hui. La terre a tremblé et je grelotte encore. On n’est jamais prêt. Et pourtant si près.
La nuit semble trop sombre pour être noire.
J’irai dormir tout à l’heure.
Mais avant, il me faut me convaincre que je n’ai pas sommeil et que la solitude du vide qui me sépare de l’édredon n’a pas au moins ce goût de poussière ni l’odeur de la cendre qui s’enfonce dans la gorge lorsqu’on désire plus que tout au monde qu’il y ait une autre nuit. Ou du moins une autre poussière.
Je dormirai tout à l’heure même si je ne pourrai plus jamais fermer l’œil. Car n’avons-nous pas tous une poussière dans l’œil lorsqu’on sait voir les choses en face?
Allez, dormez sur vos deux oreilles, pendant que je rêverai de dunes sous les paupières.
Il se fera trop tard, et je me consolerai en pensant que l’immobilisme n’a plus de véritable emprise dans la chute, puissiez-vous donc m’accordez la prochaine danse?
 
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